Ralentir pour mieux lire : quand le suspense devient un outil d’enseignement
- vulgaris 1

- 28 mars
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 nov.
Si la lecture suivie peut se réduire à « avancer dans l’histoire », il est plus intéressant de jouer avec le temps, c'est ce que nous dit l'article scientifique "Le temps suspendu de la lecture intriguante en classe de français" de CR. L'étude menée grâce à la recherche de l’Université de Genève montre comment les enseignants transforment ce « temps de la lecture » en véritable instrument didactique.
La question
Choisir une portion de l'histoire, ralentir, suspendre le dénouement, marquer des arrêts, formuler des hypothèses... mais comment faire pour que les élèves comprennent ce que nous dit le texte ? L'auteur nous avertit qu'il faut distinguer le temps de l'écriture de l'oeuvre, des événements racontés dans l'histoire, de la narration et de l'actualisation de ces événements par l'activité du lecteur. L'article montre les effets sur l'apprentissage de la compréhension de l'écrit de la triple temporalité.
Le dispositif
Dans son article, le chercheur décrit un dispositif de lecture par effraction et au ralenti. Ça veut dire quoi ? Tout simplement qu’au lieu de tout lire d’un coup, on entre dans le texte par petits bouts. Ne pas tout dévoiler d’un coup, mais entrer dans le texte par fragments, s’arrêter, observer les indices (une phrase, un mot, une illustration...), formuler des hypothèses, puis revenir au texte. C’est une manière d’apprendre aux élèves à lire « entre les lignes » et à prendre le temps de penser leur lecture. Puis, on relit le passage complet, et on vérifie si on avait vu juste. En gros, on apprend aux élèves à prendre le temps de réfléchir à ce qu’ils lisent.
L'enseignant ne donne pas tout le texte d’un coup, mais orchestre soigneusement le rythme de découverte. Chaque fragment devient une étape dans un parcours planifié, où l’on suspend volontairement la curiosité des élèves pour les inciter à analyser, interpréter et reconstruire peu à peu le sens global de l'histoire.
Les résultats
L'étude menée auprès d’enseignants de Suisse romande montre que cette stratégie capte l'attention des élèves.
Chez les plus jeunes (7-8 ans), le défi est souvent de comprendre le temps raconté, par exemple quand l’histoire s’étend sur plusieurs années ou joue avec des connecteurs temporels et des métaphores. Pour aider les élèves, les enseignant·e·s ont inventé des tâches comme la frise des émotions, qui permet de visualiser l’évolution du narrateur au fil du récit, ou l’appariement texte-image, qui aide à mémoriser les personnages et à mieux comprendre la fin de l’histoire.
Chez les plus grands (11-12 ans), le dispositif agit plutôt comme un ralentisseur volontaire : en interrompant la lecture linéaire, il crée du suspense, retarde le dénouement et stimule les hypothèses des élèves. Les fragments deviennent des « nœuds d’incertitude » qui obligent à débattre et à ajuster ses interprétations. Ce temps « dilaté » de la lecture intrigue les enseignants eux-mêmes : alors qu’un album pourrait être lu en une trentaine de minutes, les séquences observées s’étendent de trois à douze séances. Ce choix n’est pas une perte de temps : il transforme les difficultés de compréhension en obstacles féconds, qui obligent à ralentir et à questionner le texte.
Conclusion
Les enseignant·e·s interrogé·e·s soulignent combien les élèves se sont pris au jeu du suspense : « C’était comme une série », rapportent les enseignant·e·s, en observant que les enfants réclamaient la suite et manifestaient une belle curiosité, ils aiment « jouer le jeu du suspense ».
En ce sens, le dispositif ne transmet pas seulement une histoire : il apprend à construire du sens collectivement, à explorer différentes interprétations et à développer une lecture réflexive, précieuse. Les élèves naviguent entre le temps du déroulement de l’histoire, celui de la narration, et celui de la compréhension où chaque élève actualise sa lecture.
Comment faire ?
Avec un exemple c'est toujours plus parlant...
Si le temps de lecture relevé dans les enregistrements vidéo est d'environ 7 minutes par séance - le temps d'enseignement s'étale sur 3 à 12 séances sur une durée de 45 à 90 minutes. En voici un exemple d'un synopsis simplifié :
fragments | 1 | 2 | 3 | .... |
|---|---|---|---|---|
contenu | découverte du fragment, formulation d'une hypothèse et lecture du début | découverte du fragment, travail sur les personnages et écriture d'un intertexte | découverte d'un fragment, débat sur un nœud et relecture | ... |
Un mot et la REF :
Comment décélérer pour apprendre à penser ? Jouer à intriguer, pardi ! CR



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